samedi 7 avril 2012

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lundi 5 mars 2012

Tiré du Courrier International fin février 2012 (Article du New York Times)

Zombies, strophes et catastrophes

Jamais les morts-vivants et autres cadavres ambulants n’ont été aussi à la mode. Et ils suscitent désormais une poésie pleine de surprises et de chairs décomposées… Les temps sont peut–être durs, mais si vous être un zombie, l’avenir vous sourit. Jamais les non-morts n’ont été aussi en forme. Que ce soit dans des jeux vidéo comme zombie panic, un monde infesté de cadavres titubants qui se gorgent de chair humaine. La terreur des zombies, fantasme apocalyptique ou les morts se mettent à chasser les vivants pour leur dévorer le cerveau, contamine aujourd'hui l’imaginaire populaire comme le faisait la menace d’un holocauste nucléaire dans les années 1950.

Des auteurs comme Max Brooks, dans son Guide de survie en territoire zombie, se sont chargés de nous régaler des détails les plus répugnants, et même les CDG (centres pour le contrôle et la prévention des maladies, institution gouvernementale américaine de la santé publique), voyant là un outil didactique idéal, ont décidé d’évoquer la menace zombie. En mai dernier, ils ont publié, en guise de support pédagogique, un roman graphique sur les moyens de résister à une invasion de morts-vivants. Des poètes s’y intéressent aussi, la plupart geeks fiers de l’être ou nourris de slams, de performances et de culture alternative. Les œuvres de plus d’une trentaine de poètes zombies ont été rassemblées récemment dans le recueil Aim for the Head (Visez la tête). En tant que source d’inspiration, les humanoïdes amateurs de cervelle fraîche constituent un matériau inépuisable.


« C’est un peu un défi », explique Sarah Juliet Lauro, qui, avec Deborah Christie, s’est chargée de l’édition de Better off Dead : the evolution of the zombie as post-Human (même pas mort : l’évolution du zombie en tant que posthumain), un recueil d’essais. « A quoi ressemble, vu de l’intérieur, le fait d’être en mort cérébrale mais de continuer à se balader » ? A rien de plaisant. Dans My zombie journal, de Matt Bett, paru dans l’anthologie Vicious verses and Reanimated Rhymes (Vices en vers et autres rimes ranimées), On peut lire :

« je le sais,

j’en avais deux,

Des bras,

En arrivant,

Mais j’ai dû

En perdre un

Quelque part »

Une chair en décomposition, une personnalité qui se désagrège, une faim insatiable de cervelle : voilà l’ordinaire du mort-vivant, bien que les poètes zombies les plus audacieux s’autorisent des états d’âme complexes comme l’aliénation et le deuil. Dans Rebirth is Always painful (la renaissance est toujours souffrance), Evan Peterson se demande :

« Eternelle question :

Quand les morts marchent, parlent-ils de poésie ?

Ou n’est-ce que faim, cervelle et viande ?

Ne vous leurrez pas, le zombie souffre,

C’est la souffrance elle-même qui n’a plus de sens »

Megan Thoma s’attaque au sujet de façon encore plus saignante. Elle écrit :

« Et si on jouait au sexe zombie… Tu manges. Je gémis. Et nous ne sentons rien ni l’un ni l’autre »

Certains poètes zombies envisagent que l’amour reste possible, un ou deux détails peu ragoûtants près. Ainsi, écrit Chad Anderson dans Ten Things You Didn’t know About Being a zombie (Dix choses à savoir sur la vie d’un zombie) :

« Il n’y a pas de meilleure illustration du mot "inconditionnel" que la fille qui t’offre son cœur sachant parfaitement ce que tu vas en faire »

En termes poétiques, être un mort-vivant n’est pas rose tous les jours. Pâles et séduisants, les vampires jouissent d’un cachet littéraire depuis bientôt deux siècles. Les zombies, eux, certes blafards mais plutôt repoussants, pâtissent d’un incontestable problème d’image. Dans I Hate zombies like you Hate Me (je hais les zombies comme vous me haïssez), Scott Woods lance :

« Soyons honnêtes, nous n’aimons pas le zombie. Le zombie n’est pas classe. Ni comte ni amant, personne
ne rêve avec lui ».

Le mort-vivant n’a pas la classe, mais il n’en interpelle pas moins. Et, en fin de compte, peut-être est–il plus propice à l’imagination. « j’ai écrit quelques poèmes de vampire, mais j’ai toujours pensé que les vampires étaient trop personnalisés » déclare Victor Infante, créateur du journal de poésie en ligne Radiuslit.org. « Il faut presque toujours qu’ils deviennent des personnages. Par définition, un zombie n’a pas de personnalité, on peut donc se concentrer sur la métaphore ».

Dans le Zombie de George Romero (1978), les morts-vivants envahissent un centre commerciale et s’y livrent à une lugubre parodie d’un consumérisme décérébré. Pour les poètes, le zombie est une métaphore du préjugé de classe, du racisme, du colonialisme. Les critiques davantage tournés vers la psychanalyse voient dans la peur primale du cadavre ambulant une sorte de culpabilité du survivant, que ressentent les vivants en présence des morts. Pour les critiques influencés par le marxisme, le zombie incarne les victimes économiques du capitalisme.

D’autres poètes n’associent pas l’apocalypse zombie à des interrogations cosmiques. Pour eux, les non-morts qui grouillent en gémissant sont des nuisibles, comme les termites. Dans The last Hipster, Brennan Bestwick considère les hordes de zombies comme une offense au style, un hideux défilé de clichés. Autrement dit, ils sont comme tout le monde. « En toute honnêteté, je ne vois pas en quoi les zombies sont pires que la plupart des gens. Ils sont tout aussi ennuyeux et prévisibles », constate le narrateur, assiégé.

Avec Aim for the Head, la poésie zombie s`efforce pour la première fois d'attirer l’attention sous une forme imprimée. Dans l`ensemble, le genre a du mal à se distinguer du carnage écoeurant où l’on baigne dans les bandes dessinées et les jeux vidéo, à l`exception du Little book of zombie poems (le petit livre des poèmes zombies)

Zombie Haiku (2008), un journal de l’apocalypse tenu par Ryan Mecum en strophes de trois vers qui claquent comme des rafales, se vautre dans la chair en putréfaction, les yeux qui pendent, les membres arrachés et les viscères déversés. Enfin, la poésie zombie souffre d`une trop grande tendance à la comédie, sous la forme d’épigrammes ironiques de cinq vers et de parodies comme The zombie night before christmas (Une visite de saint zombie).

Pour la nouvelle vague de poètes zombies, le sujet recèle un humour différent, sombre et absurde. Et, alors qu`approche la fin du monde, même cette profession solitaire par excellence qu’est le comique solo pourrait se ménager un créneau. Dans Zombie stand-up, Shappy Seasholtz dépeint les affres d`un humoriste qui se décompose littéralement sous les yeux de son public : « Moi pas forcément le plus rigolo des macchabs, mais faut bien vivre, ou presque » !

WILLIAM GRIMES